Non ! le travail collaboratif n’est pas né avec les réseaux sociaux d’entreprise ! (1)

Une histoire de plus de trente ans

Depuis la mise en œuvre dans les organisations des outils logiciels Web 2.0 et en particulier des réseaux sociaux d’entreprise (RSE), certains indiquent qu’une nouvelle ère commence et qu’enfin le travail collaboratif va s’y déployer.

En fait le travail collaboratif a déjà une histoire substantielle et des résultats notables dans les organisations. C’est dans l’industrie qu’en sont apparues les premières pratiques. Avec l’arrivée du groupware, elles se sont généralisées aux autres secteurs tout en restant dans un contexte technologique. C’est l’apparition et le développement des communautés de pratique qui a fait sortir le travail collaboratif de cet environnement en lui donnant une dimension managériale.

Le travail collaboratif fait donc partie de l’histoire des organisations. C’est pourquoi, les projets actuels de mise en œuvre des RSE ne peuvent éviter de prendre en compte et d’intégrer ce passé pour bien réussir leur implantation dans les organisations.

Ce billet de blog et les deux autres à suivre vont présenter l’histoire du travail collaboratif dans les organisations et les leçons opérationnelles à en tirer pour la mise en place des RSE.

Le travail collaboratif dans les ateliers

C’est à partir du début des années 80 que se sont déployées dans les entreprises industrielles les pratiques du travail collaboratif à travers les travaux dans des petits groupes.

Plusieurs objectifs étaient visés : fluidifier le processus industriel et minimiser les stocks, par exemple. On parlait alors de Just In Time (JIT).  Améliorer la qualité des processus industriels et des produits semi-finis ou finis en était un autre. On parlait alors de Total Quality Control (TQC). Le travail collaboratif pouvait viser aussi à améliorer la performance des équipements en augmentant leur disponibilité. On parlait alors de Total Productive Maintenance (TPM). Ces opérations étaient ponctuelles ou alors réalisées dans le cadre d’un projet d’entreprise sur le domaine industriel.

 Dans tous les cas, il s’agissait de faire travailler de manière collaborative au sein de petits groupes les opérateurs avec les différents spécialistes fonctionnels pour obtenir des résultats substantiels sur la réduction du temps de cycle de production ou de la taille des stocks, la qualité ou la productivité des personnels ou des équipements. Différents outils méthodologiques avaient été à chaque fois définis pour le travail de ces groupes (diagramme d’Ishikawa, Analyse ABC, AMDEC, TRS….) et l’animateur du groupe était le plus souvent choisi parmi les opérateurs.

C’est au début des années 90 que Masaaki IMAI a mis en avant dans le livre « La clé de la compétitivité japonaise » (Eyrolles – 1992) toutes ces approches sous le nom de Kaizen. Il a appelé ce concept « parapluie » parce qu’il avait pour vocation de rassembler toutes les pratiques de travail collaboratif en petits groupes pour l’amélioration continue. De fait cette dynamique, même si elle n’a pas toujours conservée le nom de Kaizen, est bien devenue une réalité dans les grands groupes industriels.

De plus à cette même époque, trois chercheurs américains du Massachussetts Institute of Technology (MIT) : James P. WOMACK, Daniel T. JONES et Daniel ROOS ont conceptualisé ces différentes pratiques et en particulier celles de Toyota dans un livre « The Machine That Changed The World » (Free Press – 1990) et ont introduit le concept de Lean Management. Celui-ci a eu depuis le succès que l’on connait. Il a d’ailleurs dépassé son périmètre initial qui était celui de l’industrie pour se déployer dans de nombreux secteurs d’activité et le travail collaboratif en petits groupes n’est plus qu’une de ses composantes.

Le travail collaboratif pour le développement des produits nouveaux

Au milieu des années 90 s’est déployé le travail multifonctionnel dans les entreprises industrielles au sein du processus de développement des produits nouveaux sous le nom d’ingénierie simultanée. Il s’agissait de faire collaborer de manière organisée le marketing, la R&D, les services de méthodes industrielles, la production et la qualité pour réduire le délai et les coûts de développement des produits nouveaux.

Après la mise en place des pratiques de l’analyse de la valeur, puis de l’analyse fonctionnelle, ce mode de fonctionnement a permis une réelle révolution dans le développement des produits nouveaux comme l’attestait le livre de Steven C. Wheelwright et Kim B. Clark « Revolutionizing Product Development: Quantum Leaps in Speed, Efficiency, and Quality » (Free Press – 1992).

De fait, l’organisation très hiérarchique et le processus de développement des produits nouveaux avec ses différentes phases très cloisonnées étaient bousculés.  A leur place, les organisations on fait émerger la fonction de chef de projet et développé un fonctionnement plus cross-fonctionnel et intégré. De manière concrète, il y avait des groupes de travail et des plateaux mis en place pour faciliter les interactions entre les différentes fonctions. D’autres groupes étaient en charge de piloter le travail en parallèle à travers la fixation des éléments qui devaient être figés dans le produit en cours de conception pour que les travaux suivants puissent démarrer. Ces opérations d’ampleur et à multiples dimensions ont été un des sujets majeurs de l’amélioration du fonctionnement des entreprise industrielles durant cette période.

En terme d’outils,  l’ingénierie simultanée se basait  sur la mise ai point d’une Charte de développement des produits nouveaux ainsi que sur le Management de projet dans une perspective plus ouverte qu’auparavant. La Charte formalisait au sein d’un processus de référence la séquence des contributions des différentes fonctions ainsi que les livrables à produire et les jalons à respecter. Il y a eu aussi d’utilisé un outil spécifique comme le Quality Function Déployment (QFD) qui identifiait les évolutions à réaliser sur les produits en fonction des ressentis des clients.

Etalée sur plusieurs années ces opérations ont en règle générale été un succès dans les groupes industriels qui ont vu les délais et les coûts de développement des produits nouveaux se réduire. Par exemple dans l’industrie automobile, le développement d’un nouveau véhicule est passé avec ces nouvelles pratiques de presque quatre ans à un peu plus de deux ans. De fait le travail multifonctionnel et le management de projet sont devenus des références pour le développement des produits et services nouveaux dans de nombreux secteurs d’activité.

C’est avec la naissance du groupware que les choses ont changé et que le travail collaboratif est devenu à la portée de tous les collaborateurs des organisations. C’est un des sujets, avec celui des communautés de pratique, que va présenter le billet suivant.

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Denis Meingan

Denis MEINGAN a travaillé pendant plus de 15 ans dans de grandes sociétés de conseil comme Deloitte, Solving International, JMAC Consultants… où il a dirigé de nombreuses missions : amélioration de la performance de la R&D, réorganisation des achats, augmentation de la productivité, conception de systèmes d’information … Il est intervenu dans des grands groupes internationaux comme des moyennes entreprises de différents secteurs à travers les principaux pays d’Europe, aux Etats-Unis et au Japon. De ce fait, Denis MEINGAN possède une perspective d’ensemble des métiers, de leurs besoins et de leurs évolutions, ainsi qu’un souci de la prise en compte des différents éléments qui vont permettre de réussir la définition et la mise en œuvre des multiples aspects des stratégies digitales que KnowledgeConsult est amené à réaliser de manière fréquente. De plus, il a développé une expertise sur les problématiques d’appropriation du changement par les collaborateurs. Par ailleurs, Denis MEINGAN participe activement aux travaux de réseaux autour de la gestion des connaissances et du travail collaboratif, fournit des contributions à différentes revues de management nationales comme internationales et réalise des conférences dans différents pays d’Europe et d’Afrique du Nord.